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social. Le rire ne relève donc pas de l’esthétique pure, puisqu’il poursuit (inconsciemment, et même immoralement dans beaucoup de cas particuliers) un but utile de perfectionnement général. Il a quelque chose d’esthétique cependant puisque le comique naît au moment précis où la société et la personne, délivrées du souci de leur conservation, commencent à se traiter elles-mêmes comme des œuvres d’art. En un mot, si l’on trace un cercle autour des actions et dispositions qui compromettent la vie individuelle ou sociale et qui se châtient elles-mêmes par leurs conséquences naturelles, il reste en dehors de ce terrain d’émotion et de lutte, dans une zone neutre où l’homme se donne simplement en spectacle à l’homme, une certaine raideur du corps, de l’esprit et du caractère, que la société voudrait encore éliminer pour obtenir de ses membres la plus grande élasticité et la plus haute sociabilité possibles. Cette raideur est le comique, et le rire en est le châtiment.

Gardons-nous pourtant de demander à cette formule simple une explication immédiate de tous les effets comiques. Elle convient sans doute à