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isolez, de loin en loin, les types dominateurs : vous trouverez que les effets intermédiaires empruntent leur vertu comique à leur ressemblance avec ces types, et que les types eux-mêmes sont autant de modèles d’impertinence vis-à-vis de la société. À ces impertinences la société réplique par le rire, qui est une impertinence plus forte encore. Le rire n’aurait donc rien de très bienveillant. Il rendrait plutôt le mal pour le mal.

Ce n’est pourtant pas là ce qui frappe d’abord dans l’impression du risible. Le personnage comique est souvent un personnage avec lequel nous commençons par sympathiser matériellement. Je veux dire que nous nous mettons pour un très court instant à sa place, que nous adoptons ses gestes, ses paroles, ses actes, et que si nous nous amusons de ce qu’il y a en lui de risible, nous le convions, en imagination, à s’en amuser avec nous : nous le traitons d’abord en camarade. Il y a donc chez le rieur une apparence au moins de bonhomie, de jovialité aimable, dont nous aurions tort de ne pas tenir compte. Il y a surtout dans le rire un mouvement de détente, souvent remarqué, dont