Page:Bergson - Le Rire.djvu/20

Cette page a été validée par deux contributeurs.

sur la réalité présente. Le comique s’installera cette fois dans la personne même : c’est la personne qui lui fournira tout, matière et forme, cause et occasion. Est-il étonnant que le distrait (car tel est le personnage que nous venons de décrire) ait tenté généralement la verve des auteurs comiques ? Quand La Bruyère rencontra ce caractère sur son chemin, il comprit, en l’analysant, qu’il tenait une recette pour la fabrication en gros des effets amusants. Il en abusa. Il fit de Ménalque la plus longue et la plus minutieuse des descriptions, revenant, insistant, s’appesantissant outre mesure. La facilité du sujet le retenait. Avec la distraction, en effet, on n’est peut-être pas à la source même du comique, mais on est sûrement dans un certain courant de faits et d’idées qui vient tout droit de la source. On est sur une des grandes pentes naturelles du rire.


Mais l’effet de la distraction peut se renforcer à son tour. Il y a une loi générale dont nous venons de trouver une première application et que nous formulerons ainsi : quand un certain effet comique dérive d’une certaine cause, l’effet nous paraît