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s’est produit de lui-même, tandis que le second a été obtenu artificiellement. Le passant, tout à l’heure, ne faisait qu’observer ; ici le mauvais plaisant expérimente.

Toutefois, dans les deux cas, c’est une circonstance extérieure qui a déterminé l’effet. Le comique est donc accidentel ; il reste, pour ainsi dire, à la surface de la personne. Comment pénétrera-t-il à l’intérieur ? Il faudra que la raideur mécanique n’ait plus besoin, pour se révéler, d’un obstacle placé devant elle par le hasard des circonstances ou par la malice de l’homme. Il faudra qu’elle tire de son propre fonds, par une opération naturelle, l’occasion sans cesse renouvelée de se manifester extérieurement. Imaginons donc un esprit qui soit toujours à ce qu’il vient de faire, jamais à ce qu’il fait, comme une mélodie qui retarderait sur son accompagnement. Imaginons une certaine inélasticité native des sens et de l’intelligence, qui fasse que l’on continue de voir ce qui n’est plus, d’entendre ce qui ne résonne plus, de dire ce qui ne convient plus, enfin de s’adapter à une situation passée et imaginaire quand on devrait se modeler