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ou moins originale. Mais point du tout. L’entrevue n’a pas plutôt pris fin que le père a tout oublié. Rencontrant de nouveau son fils, il fait à peine allusion à cette scène si grave : « Et vous, mon fils, à qui j’ai la bonté de pardonner l’histoire de tantôt, etc. » L’avarice a donc passé à côté du reste sans y toucher, sans en être touchée, distraitement. Elle a beau s’installer dans l’âme, elle a beau être devenue maîtresse de la maison ; elle n’en reste pas moins une étrangère. Tout autre serait une avarice de nature tragique. On la verrait attirer à elle, absorber, s’assimiler, en les transformant, les diverses puissances de l’être : sentiments et affections, désirs et aversions, vices et vertus, tout cela deviendrait une matière à laquelle l’avarice communiquerait un nouveau genre de vie. Telle est, semble-t-il, la première différence essentielle entre la haute comédie et le drame.

Il y en a une seconde, plus apparente, et qui dérive d’ailleurs de la première. Quand on nous peint un état d’âme avec l’intention de le rendre dramatique ou simplement de nous le faire prendre au sérieux, on l’achemine peu à peu vers