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amusant, s’il n’y avait ce salutaire précepte d’hygiène : « Il ne faut pas manger entre ses repas. »

Quelquefois aussi l’effet se complique. Au lieu d’un seul moule de phrase banal, il y en a deux ou trois qui s’emboîtent l’un dans l’autre. Soit, par exemple, ce mot d’un personnage de Labiche : « Il n’y a que Dieu qui ait le droit de tuer son semblable. » On semble bien profiter ici de deux propositions qui nous sont familières : « C’est Dieu qui dispose de la vie des hommes », et : « C’est un crime, pour l’homme, que de tuer son semblable. » Mais les deux propositions sont combinées de manière à tromper notre oreille et à nous donner l’impression d’une de ces phrases qu’on répète et qu’on accepte machinalement. De là une somnolence de notre attention, que tout à coup l’absurdité réveille.

Ces exemples suffiront à faire comprendre comment une des formes les plus importantes du comique se projette et se simplifie sur le plan du langage. Passons à une forme moins générale.

II. — « Nous rions toutes les fois que notre