l’intelligence ; nous ne la chassons d’aucun des terrains qu’elle occupait jusqu’à présent ; et, là où elle est tout à fait chez elle, nous lui attribuons une puissance que la philosophie moderne lui a généralement contestée. Seulement, à côté d’elle, nous constatons l’existence d’une autre faculté, capable d’une autre espèce de connaissance. Nous avons ainsi, d’une part, la science et l’art mécanique, qui relèvent de l’intelligence pure : de l’autre, la métaphysique, qui fait appel à l’intuition. Entre ces deux extrémités viendront alors se placer les sciences de la vie morale, de la vie sociale, et même de la vie organique, celles-ci plus intellectuelles, celles-là plus intuitives. Mais, intuitive ou intellectuelle, la connaissance sera marquée au sceau de la précision.
Rien de précis, au contraire, dans la conversation, qui est la source ordinaire de la « critique ». D’où viennent les idées qui s’y échangent ? Quelle est la portée des mots ? Il ne faut pas croire que la vie sociale soit une habitude acquise et transmise. L’homme est organisé pour la cité comme la fourmi pour la fourmilière, avec cette différence pourtant que la fourmi possède les moyens tout faits d’atteindre le but, tandis que nous apportons ce qu’il faut pour les réinventer et par conséquent pour en varier la forme. Chaque mot de notre langue a donc beau être conventionnel, le langage n’est pas une convention, et il est aussi naturel à l’homme de parler que de marcher. Or, quelle est la fonction primitive du langage ? C’est d’établir une communication en vue d’une coopération. Le langage transmet des ordres ou des avertissements. Il prescrit ou il décrit. Dans le premier cas, c’est l’appel à l’action immédiate ; dans le second, c’est le signalement de la chose ou de quelqu’une de ses propriétés, en vue de l’action future. Mais, dans un cas comme dans l’autre, la fonction est industrielle, com-