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de la réalité. Elles sont peu nombreuses, et l’immense majorité des idées générales sont celles que la société a préparées pour le langage en vue de la conversation et de l’action. Néanmoins, même parmi ces dernières, auxquelles nous faisons surtout allusion dans le présent essai, on en trouverait beaucoup qui se rattachent par une série d’intermédiaires, après toutes sortes de manipulations, de simplifications, de déformations, au petit nombre d’idées qui traduisent des ressemblances essentielles : il sera souvent instructif de remonter avec elles, par un plus ou moins long détour, jusqu’à la ressemblance à laquelle elles se rattachent. Il ne sera donc pas inutile d’ouvrir ici une parenthèse sur ce qu’on pourrait appeler les généralités objectives, inhérentes à la réalité même. Si restreint qu’en soit le nombre, elles sont importantes et par elles-mêmes et par la confiance qu’elles irradient autour d’elles, prêtant quelque chose de leur solidité à des genres tout artificiels. C’est ainsi que des billets de banque en nombre exagéré peuvent devoir le peu de valeur qui leur reste à ce qu’on trouverait encore d’or dans la caisse.

En approfondissant ce point, on s’apercevrait, croyons-nous, que les ressemblances se répartissent en trois groupes, dont le second devra probablement se subdiviser lui-même au fur et à mesure des progrès de la science positive. Les premières sont d’essence biologique : elles tiennent à ce que la vie travaille comme si elle avait elle-même des idées générales, celles de genre et d’espèce, comme si elle suivait des plans de structure en nombre limité, comme si elle avait institué des propriétés générales de la vie, enfin et surtout comme si elle avait voulu, par le double effet de la transmission héréditaire (pour ce qui est inné) et de la transformation plus ou moins lente, disposer les vivants en série