Page:Bergson - La Pensée et le Mouvant.djvu/52

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Justement parce qu’elles sont au même niveau, elles ont des points communs et peuvent, sur ces points, se vérifier l’une par l’autre. Établir entre la métaphysique et la science une différence de dignité, leur assigner le même objet, c’est-à-dire l’ensemble des choses, en stipulant que l’une le regardera d’en bas et l’autre d’en haut, c’est exclure l’aide mutuelle et le contrôle réciproque : la métaphysique est nécessairement alors — à moins de perdre tout contact avec le réel — un extrait condensé ou une extension hypothétique de la science. Laissez-leur, au contraire, des objets différents, à la science la matière et à la métaphysique l’esprit : comme l’esprit et la matière se touchent, métaphysique et science vont pouvoir, tout le long de leur surface commune, s’éprouver l’une l’autre, en attendant que le contact devienne fécondation. Les résultats obtenus des deux côtés devront se rejoindre, puisque la matière rejoint l’esprit. Si l’insertion n’est pas parfaite, ce sera qu’il y a quelque chose à redresser dans notre science, ou dans notre métaphysique, ou dans les deux. La métaphysique exercera ainsi, par sa partie périphérique, une influence salutaire sur la science. Inversement, la science communiquera à la métaphysique des habitudes de précision qui se propageront, chez celle-ci, de la périphérie au centre. Ne fût-ce que parce que ses extrémités devront s’appliquer exactement sur celles de la science positive, notre métaphysique sera celle du monde où nous vivons, et non pas de tous les mondes possibles. Elle étreindra des réalités.

C’est dire que science et métaphysique différeront d’objet et de méthode, mais qu’elles communieront dans l’expérience. L’une et l’autre auront écarté la connaissance vague qui est emmagasinée dans les concepts usuels et transmise par les mots. Que demandions-nous, en somme, pour la