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quels sont les mouvements qui décrivent des formes belles, nous trouvons que ce sont les mouvements gracieux : la beauté, disait Léonard de Vinci, est de la grâce fixée. La question est alors de savoir en quoi consiste la grâce. Mais ce problème est plus aisé à résoudre, car dans tout ce qui est gracieux nous voyons, nous sentons, nous devinons une espèce d’abandon et comme une condescendance. Ainsi, pour celui qui contemple l’univers avec des yeux d’artiste, c’est la grâce qui se lit à travers la beauté, et c’est la bonté qui transparaît sous la grâce. Toute chose manifeste, dans le mouvement que sa forme enregistre, la générosité infinie d’un principe qui se donne. Et ce n’est pas à tort qu’on appelle du même nom le charme qu’on voit au mouvement et l’acte de libéralité qui est caractéristique de la bonté divine : les deux sens du mot grâce n’en faisaient qu’un pour M. Ravaisson.

Il restait fidèle à sa méthode en cherchant les plus hautes vérités métaphysiques dans une vision concrète des choses, en passant, par transitions insensibles, de l’esthétique à la métaphysique et même à la théologie. Rien de plus instructif, à cet égard, que l’étude qu’il publia en 1887 dans la Revue des Deux Mondes sur la philosophie de Pascal. Ici la préoccupation est visible de relier le christianisme à la philosophie et à l’art antiques, sans méconnaître d’ailleurs ce que le christianisme a apporté de nouveau dans le monde. Cette préoccupation remplit toute la dernière partie de la vie de M. Ravaisson.

Dans cette dernière période, M. Ravaisson eut la satisfaction de voir ses idées se répandre, sa philosophie pénétrer dans l’enseignement, tout un mouvement se dessiner en faveur d’une doctrine qui faisait de l’activité spirituelle le fond même de la réalité. Le Rapport de 1867 avait déterminé