où Claude Bernard écrivait, et où l’on inclinait, soit pour justifier l’existence de la philosophie soit pour la proscrire, à identifier l’esprit philosophique avec l’esprit de système. C’est la vérité cependant, et une vérité dont on se pénétrera de plus en plus à mesure que se développera effectivement une philosophie capable de suivre la réalité concrète dans toutes ses sinuosités. Nous n’assisterons plus alors à une succession de doctrines dont chacune, à prendre ou à laisser, prétend enfermer la totalité des choses dans des formules simples. Nous aurons une philosophie unique, qui s’édifiera peu à peu à côté de la science, et à laquelle tous ceux qui pensent apporteront leur pierre. Nous ne dirons plus : « La nature est une, et nous allons chercher, parmi les idées que nous possédons déjà, celle où nous pourrons l’insérer. » Nous dirons : « La nature est ce qu’elle est, et comme notre intelligence, qui fait partie de la nature, est moins vaste qu’elle, il est douteux qu’aucune de nos idées actuelles soit assez large pour l’embrasser. Travaillons donc à dilater notre pensée ; forçons notre entendement ; brisons, s’il le faut, nos cadres ; mais ne prétendons pas rétrécir la réalité à la mesure de nos idées, alors que c’est à nos idées de se modeler, agrandies, sur la réalité. » Voilà ce que nous dirons, voilà ce que nous tâcherons de faire. Mais en avançant de plus en plus loin dans la voie où nous commençons à marcher, nous devrons toujours nous rappeler que Claude Bernard a contribué à l’ouvrir. C’est pourquoi nous ne lui serons jamais assez reconnaissants de ce qu’il a fait pour nous. Et c’est pourquoi nous venons saluer en lui, à côté du physiologiste de génie qui fut un des plus grands expérimentateurs de tous les temps, le philosophe qui aura été un des maîtres de la pensée contemporaine.
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