Page:Bergson - La Pensée et le Mouvant.djvu/101

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

travail manuel, et n’abandonnons pas cet enseignement à un manœuvre. Adressons-nous à un vrai maître, pour qu’il perfectionne le toucher au point d’en faire un tact : l’intelligence remontera de la main à la tête. Mais je n’insiste pas sur ce point. En toute matière, lettres ou sciences, notre enseignement est resté trop verbal. Le temps n’est plus cependant où il suffisait d’être homme du monde et de savoir discourir sur les choses. S’agit-il de science ? On expose surtout des résultats. Ne vaudrait-il pas mieux initier aux méthodes ? On les ferait tout de suite pratiquer ; on inviterait à observer, à expérimenter, à réinventer. Comme on serait écouté ! Comme on serait entendu ! Car l’enfant est chercheur et inventeur, toujours à l’affût de la nouveauté, impatient de la règle, enfin plus près de la nature que l’homme fait. Mais celui-ci est essentiellement un être sociable, et c’est lui qui enseigne : nécessairement il fait passer en première ligne tout l’ensemble de résultats acquis dont se compose le patrimoine social, et dont il est légitimement fier. Pourtant, si encyclopédique que soit le programme, ce que l’élève pourra s’assimiler de science toute faite se réduira à peu de chose, et sera souvent étudié sans goût, et toujours vite oublié. Nul doute que chacun des résultats acquis par l’humanité ne soit précieux ; mais c’est là du savoir adulte, et l’adulte le trouvera quand il en aura besoin, s’il a simplement appris où le chercher. Cultivons plutôt chez l’enfant un savoir enfantin, et gardons-nous d’étouffer sous une accumulation de branches et de feuilles sèches, produit des végétations anciennes, la plante neuve qui ne demande qu’à pousser.

Ne trouverait-on pas des défauts du même genre à notre enseignement littéraire (si supérieur pourtant à celui qui se donne dans d’autres pays) ? Il pourra être utile de