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L’ÉVOLUTION DE LA VIE

le second qui sert véritablement à la pratique courante de la science, mais c’est le premier qui lui fournit le plus souvent sa philosophie. On s’exprime dans chaque cas particulier comme si le processus d’adaptation était un effort de l’organisme pour construire une machine capable de tirer des conditions extérieures le meilleur parti possible ; puis on parle de l’adaptation en général comme si elle était l’empreinte même des circonstances, reçue passivement par une matière indifférente.

Mais arrivons aux exemples. Il serait d’abord intéressant d’instituer ici une comparaison générale entre les plantes et les animaux. Comment n’être pas frappé des progrès parallèles qui se sont accomplis, de part et d’autre, dans le sens de la sexualité ? Non seulement la fécondation même est identique chez les plantes supérieures à ce qu’elle est chez l’animal, puisqu’elle consiste, ici et là, dans l’union de deux demi-noyaux qui différaient par leurs propriétés et leur structure avant leur rapprochement et qui deviennent, tout de suite après, équivalents l’un à l’autre, mais la préparation des éléments sexuels se poursuit des deux côtés dans des conditions semblables : elle consiste essentiellement dans la réduction du nombre des chromosomes et le rejet d’une certaine quantité de substance chromatique[1]. Pourtant végétaux et animaux ont évolué sur des lignes indépendantes, favorisés par des circonstances dissemblables, contrariés par des obstacles différents. Voilà deux grandes séries qui sont allées en divergeant. Le long de chacune d’elles, des milliers de milliers de causes se sont composées ensemble pour déterminer l’évolution morphologique et fonctionnelle. Et pourtant ces causes

  1. P. Guérin, Les connaissances actuelles sur la fécondation chez les Phanérogames, Paris, 1904, p. 144-148. Cf. Delage, L’Hérédité, 2e édition, 1903, p. 140 et suiv.