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RECHERCHE D'UN CRITERIUM

pèche par excès, est d’ailleurs la conséquence de la première, qui pèche par défaut. Il faut substituer à l’intelligence proprement dite la réalité plus compréhensive dont l’intelligence n’est que le rétrécissement. L’avenir apparaît alors comme dilatant le présent. Il n’était donc pas contenu dans le présent sous forme de fin représentée. Et néanmoins, une fois réalisé, il expliquera le présent autant que le présent l’expliquait, et même davantage ; il devra être envisagé comme une fin autant et plus que comme un résultat. Notre intelligence a le droit de le considérer abstraitement de son point de vue habituel, étant elle-même une abstraction opérée sur la cause d’où il émane.

Il est vrai que la cause paraît alors insaisissable. Déjà la théorie finaliste de la vie échappe à toute vérification précise. Que sera-ce, va-t-on dire, si nous allons plus loin qu’elle dans une de ses directions ? Nous voici revenus, en effet, après une digression nécessaire, à la question que nous tenons pour essentielle : peut-on prouver par les faits l’insuffisance du mécanisme ? Nous annoncions que, si cette démonstration est possible, c’est à condition qu’on se place franchement dans l’hypothèse évolutioniste. Le moment est venu d’établir que, si le mécanisme ne suffit pas à rendre compte de l’évolution, le moyen de prouver cette insuffisance n’est pas de s’arrêter à la conception classique de la finalité, encore moins de la rétrécir ou de l’atténuer, mais au contraire d’aller plus loin qu’elle.


Indiquons tout de suite le principe de notre démonstration. Nous disions que la vie, depuis ses origines, est la continuation d’un seul et même élan qui s’est partagé entre des lignes d’évolution divergentes. Quelque chose a grandi, quelque chose s’est développé par une série d’additions