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L’ÉVOLUTION DE LA VIE

ment le noyau primitif, et aboutissent à former deux nouveaux noyaux autour desquels se constituent les deux nouvelles cellules qui succéderont à la première. Or, on a réussi à imiter, dans leurs grandes lignes et dans leur apparence extérieure, quelques-unes au moins de ces opérations. Si l’on pulvérise du sucre ou du sel de cuisine, qu’on y ajoute de l’huile très vieille et qu’on regarde au microscope une goutte du mélange, on aperçoit une mousse à structure alvéolaire dont la configuration ressemble, d’après certains théoriciens, à celle du protoplasme, et dans laquelle s’accomplissent en tous cas des mouvements qui rappellent beaucoup ceux de la circulation protoplasmique[1]. Si, dans une mousse du même genre, on extrait l’air d’un alvéole, on voit se dessiner un cône d’attraction analogue à ceux qui se forment autour des centrosomes pour aboutir à la division du noyau[2]. Il n’est pas jusqu’aux mouvements extérieurs d’un organisme unicellulaire, ou tout au moins d’une Amibe, qu’on ne croie pouvoir expliquer mécaniquement. Les déplacements de l’Amibe dans une goutte d’eau seraient comparables au va-et-vient d’un grain de poussière dans une chambre où portes et fenêtres ouvertes font circuler des courants d’air. Sa masse absorbe sans cesse certaines matières solubles contenues dans l’eau ambiante et lui en renvoie certaines autres ; ces échanges continuels, semblables à ceux qui s’effectuent entre deux récipients séparés par une cloison poreuse, créeraient autour du petit organisme un tourbillon sans cesse changeant. Quant aux prolongements temporaires ou pseudopodes que l’Amibe

  1. Bütschli, Untersuchungen über mikroskopische Schaüme und das Protoplasma, Leipzig, 1892, Ire partie.
  2. Rhumbler, Versuh einer mechanischen Erklärung der indirekten Zell— und Kerntheilung (Roux’s Archiv, 1896).