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BIOLOGIE ET PHYSICO-CHIMIE

des mêmes éléments que l’autre. — Nous répondrons que nous ne contestons pas l’identité fondamentale de la matière brute et de la matière organisée. L’unique question est de savoir si les systèmes naturels que nous appelons des êtres vivants doivent être assimilés aux systèmes artificiels que la science découpe dans la matière brute, ou s’ils ne devraient pas plutôt être comparés à ce système naturel qu’est le tout de l’univers. Que la vie soit une espèce de mécanisme, je le veux bien. Mais est-ce le mécanisme des parties artificiellement isolables dans le tout de l’univers, ou celui du tout réel ? Le tout réel pourrait bien être, disions-nous, une continuité indivisible : les systèmes que nous y découpons n’en seraient point alors, à proprement parler, des parties ; ce seraient des vues partielles prises sur le tout. Et, avec ces vues partielles mises bout à bout, vous n’obtiendrez même pas un commencement de recomposition de l’ensemble, pas plus qu’en multipliant les photographies d’un objet, sous mille aspects divers, vous n’en reproduirez la matérialité. Ainsi pour la vie et pour les phénomènes physico-chimiques en lesquels on prétendrait la résoudre. L’analyse découvrira sans doute dans les processus de création organique un nombre croissant de phénomènes physico-chimiques. Et c’est à quoi s’en tiendront les chimistes et les physiciens. Mais il ne suit pas de là que la chimie et la physique doivent nous donner la clef de la vie.

Un élément très petit d’une courbe est presque une ligne droite. Il ressemblera d’autant plus à une ligne droite qu’on le prendra plus petit. À la limite, on dira, comme on voudra, qu’il fait partie d’une droite ou d’une courbe. En chacun de ses points, en effet, la courbe se confond avec sa tangente. Ainsi la « vitalité » est tangente en n’importe quel point aux forces physiques et chimi-