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L’ÉVOLUTION DE LA VIE

veloppe et vieillit, est celle même qui lui a fait traverser les phases de la vie embryonnaire. Le développement de l’embryon est un perpétuel changement de forme. Celui qui voudrait en noter tous les aspects successifs se perdrait dans un infini, comme il arrive quand on a affaire à une continuité. De cette évolution prénatale la vie est le prolongement. La preuve en est qu’il est souvent impossible de dire si l’on a affaire à un organisme qui vieillit ou à un embryon qui continue d’évoluer : tel est le cas des larves d’Insectes et de Crustacés, par exemple. D’autre part, dans un organisme comme le nôtre, des crises telles que la puberté ou la ménopause, qui entraînent la transformation complète de l’individu, sont tout à fait comparables aux changements qui s’accomplissent au cours de la vie larvaire ou embryonnaire ; — pourtant elles font partie intégrante de notre vieillissement. Si elles se produisent à un âge déterminé, et en un temps qui peut être assez court, personne ne soutiendra qu’elles surviennent alors ex abrupto, du dehors, simplement parce qu’on a atteint un certain âge, comme l’appel sous les drapeaux arrive à celui qui a vingt ans révolus. Il est évident qu’un changement comme celui de la puberté se prépare à tout instant depuis la naissance et même avant la naissance, et que le vieillissement de l’être vivant jusqu’à cette crise consiste, en partie au moins, dans cette préparation graduelle. Bref, ce qu’il y a de proprement vital dans le vieillissement est la continuation insensible, infiniment divisée, du changement de forme. Des phénomènes de destruction organique l’accompagnent d’ailleurs, sans aucun doute. À ceux-là s’attachera une explication mécanistique du vieillissement. Elle notera les faits de sclérose, l’accumulation graduelle des substances résiduelles, l’hypertrophie grandissante du protoplasme