Une science qui considère tour à tour des périodes indivises de durée ne voit que des phases succédant à des phases, des formes qui remplacent des formes ; elle se contente d’une description qualitative des objets, qu’elle assimile a des êtres organisés. Mais, quand on cherche ce qui se passe à l’intérieur d’une de ces périodes, en un moment quelconque du temps, on vise tout autre chose : les changements qui se produisent d’un moment à un autre ne sont plus, par hypothèse, des changements de qualité ; ce sont dès lors des variations quantitatives, soit du phénomène lui-même, soit de ses parties élémentaires. On a donc eu raison de dire que la science moderne tranche sur celle des anciens en ce qu’elle porte sur des grandeurs et se propose, avant tout, de les mesurer. Les anciens avaient déjà pratiqué l’expérimentation, et d’autre part Kepler n’a pas expérimenté, au sens propre de ce mot, pour découvrir une loi qui est le type même de la connaissance scientifique telle que nous l’entendons. Ce qui distingue notre science, ce n’est pas qu’elle expérimente, mais qu’elle n’expérimente et plus généralement ne travaille qu’en vue de mesurer.
C’est pourquoi l’on a encore eu raison de dire que la science antique portait sur des concepts, tandis que la science moderne cherche des lois, des relations constantes entre des grandeurs variables. Le concept de circularité suffisait à Aristote pour définir le mouvement des astres. Mais, même avec le concept plus exact de forme elliptique, Kepler n’eût pas cru rendre compte du mouvement des planètes. Il lui fallait une loi, c’est-à-dire une relation constante entre les variations quantitatives de deux ou plusieurs éléments du mouvement planétaire.
Toutefois ce ne sont là que des conséquences, je veux dire des différences qui dérivent de la différence fonda-