reproduire dans les fragments une fois détachés. Or, c’est justement ce que nous observons dans le monde organisé. Concluons donc que l’individualité n’est jamais parfaite, qu’il est souvent difficile, parfois impossible de dire ce qui est individu et ce qui ne l’est pas, mais que la vie n’en manifeste pas moins une recherche de l’individualité et qu’elle tend à constituer des systèmes naturellement isolés, naturellement clos.
Par là, un être vivant se distingue de tout ce que notre perception ou notre science isole ou clôt artificiellement. On aurait donc tort de le comparer à un objet. Si nous voulions chercher dans l’inorganisé un terme de comparaison, ce n’est pas à un objet matériel déterminé, c’est bien plutôt à la totalité de l’univers matériel que nous devrions assimiler l’organisme vivant. Il est vrai que la comparaison ne servirait plus à grand’chose, car un être vivant est un être observable, tandis que le tout de l’univers est construit ou reconstruit par la pensée. Du moins notre attention aurait-elle été appelée ainsi sur le caractère essentiel de l’organisation. Comme l’univers dans son ensemble, comme chaque être conscient pris à part, l’organisme qui vit est chose qui dure. Son passé se prolonge tout entier dans son présent, y demeure actuel et agissant. Comprendrait-on, autrement, qu’il traversât des phases bien réglées, qu’il changeât d’âge, enfin qu’il eût une histoire ? Si je considère mon corps en particulier, je trouve que, semblable à ma conscience, il se mûrit peu à peu de l’enfance à la vieillesse ; comme moi, il vieillit. Même, maturité et vieillesse ne sont, à proprement parler, que des attributs de mon corps ; c’est par métaphore que je donne le même nom aux changements correspondants de ma personne consciente. Maintenant, si je me transporte de haut en bas de l’échelle des