tation d’une « abolition du réel », il n’y a que l’image de toutes réalités se chassant les unes les autres, indéfiniment, en cercle. En vain nous ajoutons que l’idée d’inexistence n’est que celle de l’expulsion d’une existence impondérable, ou existence « simplement possible », par une existence plus substantielle, qui serait la vraie réalité. En vain nous trouvons dans la forme sui generis de la négation quelque chose d’extra-intellectuel, la négation étant le jugement d’un jugement, un avertissement donné a autrui ou à soi-même, de sorte qu’il serait absurde de lui attribuer le pouvoir de créer des représentations d’un nouveau genre, des idées sans contenu. Toujours la conviction persiste qu’avant les choses, ou tout au moins sous les choses, il y a le néant. Si l’on cherche la raison de ce fait, on la trouve précisément dans l’élément affectif, social et, pour tout dire, pratique, qui donne sa forme spécifique à la négation. Les plus grosses difficultés philosophiques naissent, disions-nous, de ce que les formes de l’action humaine s’aventurent hors de leur domaine propre. Nous sommes faits pour agir autant et plus que pour penser ; — ou plutôt, quand nous suivons le mouvement de notre nature, c’est pour agir que nous pensons. Il ne faut donc pas s’étonner que les habitudes de l’action déteignent sur celles de la représentation, et que notre esprit aperçoive toujours les choses dans l’ordre même où nous avons coutume de nous les figurer quand nous nous proposons d’agir sur elles. Or il est incontestable, comme nous le faisions remarquer plus haut, que toute action humaine a son point de départ dans une dissatisfaction et, par là même, dans un sentiment d’absence. On n’agirait pas si l’on ne se proposait un but, et l’on ne recherche une chose que parce qu’on en ressent la privation. Notre action procède ainsi de « rien » à « quelque chose », et elle
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L’EXISTENCE ET LE NÉANT