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notation opposé sans tenir compte de la substitution. Ce sophisme — ai-je besoin de le dire ? — n’a rien de voulu : il est suggéré par les termes mêmes de la question posée ; et il est si naturel à notre esprit que nous le commettrons inévitablement ; si nous ne nous imposons pas de formuler la thèse du parallélisme, tour à tour, dans les deux systèmes de notation dont la philosophie dispose.

Quand nous parlons d’objets extérieurs, nous avons le choix, en effet, entre deux systèmes de notation. Nous pouvons traiter ces objets et les changements qui s’y accomplissent comme des choses, ou comme des représentations. Et ces deux systèmes de notation sont acceptables l’un et l’autre, pourvu qu’on adhère strictement à celui qu’on aura choisi.

Essayons d’abord de les distinguer avec précision. Quand le réalisme parle de choses et l’idéalisme de représentations, ils ne discutent pas simplement sur des mots : ce sont bien là deux systèmes de notation différents, c’est-à-dire deux manières différentes de comprendre l’analyse du réel. Pour l’idéaliste, il n’y a rien de plus, dans la réalité, que ce qui apparaît à ma conscience ou à la conscience en général. Il serait absurde de parler d’une propriété de la matière qui ne pût pas devenir objet de représentation. Il n’y a pas de virtualité, ou du moins rien de définitivement virtuel dans les choses. Tout ce qui existe est actuel ou pourra le devenir. Bref, l’idéalisme est un système de notation qui implique que tout l’essentiel de la matière est étalé ou étalable dans la représentation que nous en avons, et que les articulations du réel sont celles mêmes de notre représentation. Le réalisme repose sur l’hypothèse inverse. Dire que la matière