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attention, est donc un mouvement du « schéma dynamique » dans la direction de l’image qui le développe. C’est une transformation continue de relations abstraites, suggérées par les objets perçus, en images concrètes, capables de recouvrir ces objets. Sans doute le sentiment de l’effort ne se produit pas toujours dans cette opération. On verra tout à l’heure à quelle condition particulière l’opération satisfait quand l’effort s’y joint. Mais c’est seulement au cours d’un développement de ce genre que nous avons conscience d’un effort intellectuel. Le sentiment de l’effort d’intellection se produit sur le trajet du schéma à l’image.

Resterait à vérifier cette loi sur les formes les plus hautes de l’effort intellectuel : je veux parler de l’effort d’invention. Comme l’a fait remarquer M. Ribot, créer imaginativement est résoudre un problème[1]. Or, comment résoudre un problème autrement qu’en le supposant d’abord résolu ? On se représente, dit M. Ribot, un idéal, c’est-à-dire un certain effet obtenu, et l’on cherche alors par quelle composition d’éléments cet effet s’obtiendra. On se transporte d’un bond au résultat complet, à la fin qu’il s’agit de réaliser : tout l’effort d’invention est alors une tentative pour combler l’intervalle par-dessus lequel on a sauté, et arriver de nouveau à cette même fin en suivant cette fois le fil continu des moyens qui la réaliseraient. Mais comment apercevoir ici la fin sans les moyens, le tout sans les parties ? Ce ne peut être sous forme d’image, puisqu’une image qui nous ferait voir l’effet s’accomplissant nous montrerait, intérieurs à

  1. Ribot, L’imagination créatrice, Paris, 1900, p. 130.