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vivre de la pensée qui se concentre et qui fait effort ? Même, dans le sentiment que nous avons de cet effort, la conscience d’un certain mouvement de représentations tout particulier n’entrerait-elle pas pour quelque chose ? Telles sont les questions que nous voulons nous poser. Elles se ramènent toutes à une seule : Quelle est la caractéristique intellectuelle de l’effort intellectuel ?

De quelque manière qu’on résolve la question, on laissera intact, disons-nous, le problème de l’attention tel que les psychologues contemporains le posent. En effet, les psychologues se sont surtout préoccupés de l’attention sensorielle, c’est-à-dire de l’attention prêtée à une perception simple. Or, comme la perception simple accompagnée d’attention est une perception qui aurait pu, dans des circonstances favorables, présenter le même contenu — ou à peu près — si l’attention ne s’y était pas jointe, c’est en dehors de ce contenu qu’on a dû chercher ici le caractère spécifique de l’attention. L’idée, proposée par M. Ribot, d’attribuer une importance décisive aux phénomènes moteurs concomitants, et surtout aux actions d’arrêt, est bien près de devenir classique en psychologie. Mais, à mesure que l’état de concentration intellectuelle se complique, il devient plus solidaire de l’effort qui l’accompagne. Il y a des travaux de l’esprit dont on ne conçoit pas qu’ils s’accomplissent avec aisance et facilité. Pourrait-on, sans effort, inventer une nouvelle machine ou même simplement extraire une racine carrée ? L’état intellectuel porte donc ici, imprimée sur lui, en quelque sorte, la marque de l’effort. Ce qui revient à dire qu’il y a ici une caractéristique intellectuelle de l’effort intellectuel. Il est vrai que, si cette caractéristique existe pour les représen-