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sa plus faible intensité, faire l’effet d’un souvenir (Wigan[1], Jensen[2]. Fouillée[3] a parlé aussi d’un « manque de synergie et de simultanéité dans les centres cérébraux », d’où naîtrait une « diplopie », « un phénomène maladif d’écho et de répétition intérieure ». — La psychologie cherche aujourd’hui à se passer de ces schémas anatomiques ; l’hypothèse d’une dualité cérébrale est d’ailleurs complètement abandonnée. Reste alors que la seconde image soit quelque chose de la perception même. Pour Anjel, il faut distinguer en effet, dans toute perception, deux aspects : d’une part, l’impression brute faite sur la conscience, d’autre part, la prise de possession de cette impression par l’esprit. D’ordinaire, les deux processus se recouvrent ; mais, si le second arrive en retard, une image double s’ensuit, qui donne lieu à la fausse reconnaissance[4]. M. Piéron a émis une idée analogue[5]. Pour M. Lalande[6] suivi par M. Arnaud[7] un spectacle peut produire sur nous une première impression, instantanée et à peine consciente, à laquelle succède une distraction de quelques secondes, après quoi la perception normale s’établit. Si, à ce dernier moment, l’impression première nous revient, elle nous fait l’effet d’un souvenir vague, non localisable dans le temps, et nous avons la fausse

  1. A.-L. Wigan, A new view of insanity : the duality of the mind, London, 1884, p. 85.
  2. Allg. Zeitschr. f.. Psychiatrie, vol. XXV, 1868, p. 48-63.
  3. Fouillée, La mémoire et la reconnaissance des souvenirs, Revue des Deux Mondes, 1885, vol. LXX, p. 154.
  4. Arch. f. Psychiatrie, vol. VIII, 1878, p. 57-64.
  5. Piéron, Sur l’interprétation des faits de paramnésie, Rev. philos., vol. LIV, 1902, p. 160-163.
  6. Lalande, Des paramnésies, Rev. philos., vol. XXXVI, 1893, p. 485-497.
  7. Arnaud, Un cas d’illusion du « déjà vu » ou de « fausse mémoire », Annales médico-psychologiques, 8e série, vol. III, 1896, p. 455.