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elle s’est déterminée en sensation précise d’effort pour voler.

Il est intéressant de voir comment les sensations de pression, remontant jusqu’au champ visuel et profitant de la poussière lumineuse qui l’occupe, peuvent s’y transposer en formes et en couleurs. Max Simon rêva un jour qu’il était devant deux piles de pièces d’or, que ces piles étaient inégales et qu’il cherchait à les égaliser. Mais il n’y réussissait pas. Il en éprouvait un vif sentiment d’angoisse. Ce sentiment, grandissant d’instant en instant, finit par le réveiller. Il s’aperçut alors qu’une de ses jambes était retenue par les plis de la couverture, que ses deux pieds n’étaient pas au même niveau et cherchaient vainement à se rapprocher l’un de l’autre. Il était évidemment sorti de là une vague sensation d’inégalité, laquelle, faisant irruption dans le champ visuel et y rencontrant peut-être West l’hypothèse que je propose) une ou plusieurs taches jaunes, s’était exprimée visuellement par l’inégalité de deux piles de pièces d’or. Il y a donc, immanente aux sensations tactiles pendant le sommeil, une tendance à se visualiser, et à s’insérer sous cette forme dans le rêve.

Plus importantes encore sont les sensations de « toucher intérieur » émanant de tous les points de l’organisme, et plus particulièrement des viscères. Le sommeil peut leur donner, ou plutôt leur rendre, une finesse et une acuité singulières. Sans doute elles étaient là pendant la veille, mais nous en étions alors distraits par l’action, nous vivions extérieurement à nous-mêmes : le sommeil nous a fait rentrer en nous. Il arrive que des personnes sujettes aux laryngites, aux amygdalites, etc., se sentent