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mais, tant que ces éléments ne se dégageront pas avec une netteté parfaite, on ne pourra pas dire qu’ils étaient entièrement réalisés, et, dès que la conscience en aura la percep­tion distincte, l’état psychique qui résulte de leur synthèse aura par là même changé. Mais rien ne change à l’aspect total d’un corps, de quelque manière que la pensée le décompose, parce que ces diverses décompositions, ainsi qu’une infinité d’autres, sont déjà visibles dans l’image, quoique non réalisées : cette aperception actuelle, et non pas seulement virtuelle, de subdivisions dans l’indivisé est précisément ce que nous appelons objectivité. Dès lors, il devient aisé de faire la part exacte du subjectif et de l’objectif dans l’idée de nombre. Ce qui appartient en propre à l’esprit, c’est le processus indivisible par lequel il fixe son attention successivement sur les diverses parties d’un espace donné ; mais les parties ainsi isolées se conservent pour s’ajouter à d’autres, et une fois additionnées entre elles se prêtent à une décomposition quelconque : ce sont donc bien des parties d’espace, et l’espace est la matière avec laquelle l’esprit construit le nombre, le milieu où l’esprit le place.

A vrai dire, c’est l’arithmétique qui nous apprend à morceler indéfiniment les unités dont le nombre est fait. Le sens commun est assez porté à construire le nombre avec des indivisibles. Et cela se conçoit sans peine, puisque la simplicité provisoire des unités composantes est précisément ce qui leur vient de l’esprit, et que celui-ci prête plus d’attention à ses actes qu’à la matière sur laquelle il agit. La science se borne à attirer notre regard sur cette matière : si nous ne localisions déjà le nombre dans l’espace, elle ne réussirait certes pas à nous l’y faire transporter. Il faut donc bien que, dès l’origine nous nous soyons représenté le nombre par une juxtaposition dans l’espace. C’est la conclusion à laquelle nous avions abouti d’abord, en nous fondant sur ce que toute addition