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l’amener à la surface, l’image d’une multiplicité interne. Reste à savoir en quoi cette dernière image consis­te, si elle se confond avec celle du nombre, ou si elle en diffère radicalement. Dans le chapitre qui va suivre, nous ne considérerons plus les états de conscience isolément les uns des autres, mais dans leur multiplicité concrète, en tant qu’ils se déroulent dans la pure durée. Et de même que nous nous sommes demandé ce que serait l’intensité d’une sensation représentative si nous n’y introduisions l’idée de sa cause, ainsi nous devrons rechercher maintenant ce que devient la multiplicité de nos états internes, quelle forme affecte la durée, quand on fait abstraction de l’espace où elle se développe. Cette seconde question est autrement importante que la première. Car si la confusion de la qualité avec la quantité se limitait à chacun des faits de conscience pris isolément, elle créerait des obscurités, comme nous venons de le voir, plutôt que des problèmes. Mais en envahissant la série de nos états psychologiques, en introduisant l’espace dans notre conception de la durée, elle corrompt, à leur source même, nos représentations du changement extérieur et du changement interne, du mouvement et de la liberté. De là les sophismes de l’école d’Élée, de là le problème du libre arbitre. Nous insisterons plutôt sur le second point ; mais au lieu de chercher à résoudre la question, nous montrerons l’illusion de ceux qui la posent.