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d’excitation produit une nuance déterminée de sensation, il est clair que la quantité minima d’excitation exigée pour provo­quer un changement de cette nuance est déterminée aussi ; et puisqu’elle n’est pas constante, elle doit être fonction de l’excitation à laquelle elle s’ajoute. — Mais comment passer, d’une relation entre l’excitation et son accroissement minimum, à une équation qui lie la « quantité de la sensation » à l’excitation correspondante ? Toute la psychophysique est dans ce passage, qu’il importe d’étudier attentivement.

Nous distinguerons plusieurs artifices différents dans l’opération par laquelle on passe, des expériences de Weber ou de toute autre série d’obser­vations analogues, à une loi psychophysique comme celle de Fechner. On convient d’abord de considérer comme un accroissement de la sensation S la conscience que nous avons d’un accroissement d’excitation ; on l’appellera donc . On pose ensuite en principe que toutes les sensations corres­pondant au plus petit accroissement perceptible d’une excitation sont égales entre elles. On les traite alors comme des quantités, et ces quantités étant toujours égales, d’une part, tandis que d’autre part l’expérience a donné entre l’excitation E et son accroissement minimum une certaine relation , on exprime la constance de en écrivant : , étant une quantité constante. On convient enfin de remplacer les différences très petites et par les différences infiniment petites et , d’où une équation cette fois différentielle : Il ne restera plus alors qu’à intégrer les deux membres pour obtenir la relation cherchée[1] : . Et l’on passera ainsi d’une

  1. Dans le cas particulier où l’on admet sans restriction de la loi de Weber , l’intégration donne , étant une constante. C’est la « loi logarithmique » de Fechner.