Page:Bergson - Essai sur les données immédiates de la conscience.djvu/49

Cette page n’a pas encore été corrigée

dont chacune a son « signe local », sa nuance propre : c’est cette série que ma conscience interprète dans le sens d’un mouvement continu dans l’espace. Si je soulève ensuite à la même hauteur et avec la même vitesse un poids plus lourd, je passe par une nouvelle série de sensa­tions musculaires, dont chacune diffère du terme correspondant de la série précédente : c’est de quoi je me convaincrai sans peine en les examinant bien. Mais comme j’interprète cette nouvelle série, elle aussi, dans le sens d’un mouvement continu, comme ce mouvement a la même direction, la même durée et la même vitesse que le précédent, il faut bien que ma conscience localise ailleurs que dans le mouvement lui-même la différence entre la secon­de série de sensations et la première. Elle matérialise alors cette différence à l’extrémité du bras qui se meut ; elle se persuade que la sensation du mouve­ment a été identique dans les deux cas, tandis que la sensation de poids différait de grandeur. Mais mouvement et poids sont des distinctions de la conscience réfléchie : la conscience immédiate a la sensation d’un mouvement pesant, en quelque sorte, et cette sensation elle-même se résout à l’analyse en une série de sensations musculaires, dont chacune représente par sa nuance le lieu où elle se produit, et par sa coloration la grandeur du poids qu’on soulève.

Appellerons-nous quantité ou traiterons-nous comme une qualité l’intensi­té de la lumière ? On n’a peut-être pas assez remarqué la multitude d’éléments très différents qui concourent, dans la vie journalière, à nous renseigner sur la nature de la source lumineuse. Nous savons de longue date que cette lumière est éloignée, ou près de s’éteindre, quand nous avons de la peine à démêler les contours et les détails des objets. L’expérience nous a appris qu’il fallait attribuer à une puissance supérieure de la cause cette sensation affective, prélude de l’éblouissement, que nous éprouvons dans certains cas. Selon qu’on augmente ou qu’on diminue le