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autres, une vie interne où succession impli­querait pénétration mutuelle : tel, le balancier de l’horloge morcelle en fragments distincts et déploie pour ainsi dire en longueur la tension dynami­que et indivisée du ressort. Ainsi se forme, par un véritable phénomène d’endosmose, l’idée mixte d’un temps mesurable, qui est espace en tant qu’ho­mogénéité et durée en tant que succession, c’est-à-dire, au fond, l’idée contradictoire de la succession dans la simultanéité.

Ces deux éléments, étendue et durée, la science les dissocie quand elle entreprend l’étude approfondie des choses extérieures. Nous croyons avoir prouvé qu’elle ne retient de la durée que la simultanéité, et du mouvement lui-même que la position du mobile, c’est-à-dire l’immobilité. La dissociation s’opère ici très nettement, et au profit de l’espace.

Il faudra donc l’opérer encore, mais au profit de la durée, quand on étudiera les phénomènes internes ; non pas les phénomènes internes à l’état achevé, sans doute, ni après que l’intelligence discursive, pour s’en rendre compte, les a séparés et déroulés dans un milieu homogène, mais les phéno­mènes internes en voie de formation, et en tant que constituant, par leur pénétration mutuelle, le développement continu d’une personne libre. La durée, ainsi rendue à sa pureté originelle, apparaîtra comme une multiplicité toute qualitative, une hétérogénéité absolue d’éléments qui viennent se fondre les uns dans les autres.

Or, c’est pour avoir négligé d’opérer cette dissociation nécessaire que les uns ont été conduits à nier la liberté, les autres à la définir, et par là même, involontairement à la nier encore. On se demande en effet si l’acte pouvait ou ne pouvait pas être prévu, étant donné l’ensemble de ses conditions ; et soit qu’on l’affirme, soit qu’on le nie, on admet que cet ensemble de conditions pouvait se concevoir