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Sans doute les choses extérieures changent, mais leurs moments ne se succèdent que pour une conscience qui se les remé­more. Nous observons en dehors de nous, à un moment donné, un ensemble de positions simultanées : des simultanéités antérieures il ne reste rien. Mettre la durée dans l’espace, c’est, par une contradiction véritable, placer la succession an sein même de la simultanéité. Il ne faut donc pas dire que les choses extérieures durent, mais plutôt qu’il y a en elles quelque inexprimable raison en vertu de laquelle nous ne saurions les considérer à des moments successifs de notre durée sans constater qu’elles ont changé. D’ailleurs ce changement n’implique pas succession, à moins qu’on ne prenne le mot dans une acception nouvelle ; sur ce point, nous avons constaté l’accord de la science et du sens commun.

Ainsi, dans la conscience, nous trouvons des états qui se succèdent sans se distinguer ; et, dans l’espace, des simultanéités qui, sans se succéder, se distin­guent, en ce sens que l’une n’est plus quand l’autre paraît. En dehors de nous, extériorité réciproque sans succession au dedans, succession sans extériorité réciproque.

Ici encore un compromis intervient. Ces simultanéités qui constituent le monde extérieur, et qui, bien que distinctes les unes des autres, se succèdent pour nous seulement, nous leur accordons de se succéder en elles-mêmes. De là l’idée de faire durer les choses comme nous durons, et de mettre le temps dans l’espace. Mais si notre conscience introduit ainsi la succession dans les choses extérieures, inversement ces choses elles-mêmes extériorisent les uns par rapport aux autres les moments successifs de notre durée interne. Les simultanéités de phénomènes physiques absolument distinctes en ce sens que l’une a cessé d’être quand l’autre se produit, découpent en parcelles, distinctes aussi, extérieures les unes aux