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possible, ou l’intensité d’un état psychique simple est qualité pure.

Passant ensuite au concept de la multiplicité, nous avons vu que la cons­truction d’un nombre exigeait d’abord l’intuition d’un milieu homogène, l’espace, où pussent s’aligner des termes distincts les uns des autres, et en second lieu un processus de pénétration et d’organisation, par lequel ces unités s’ajoutent dynamiquement et forment ce que nous avons appelé une multi­plicité qualitative. C’est grâce à ce développement organique que les unités s’ajoutent, mais c’est à cause de leur présence dans l’espace qu’elles demeurent distinctes. Le nombre, ou multiplicité distincte, résulte donc, lui aussi, d’un compromis. Or, quand nous considérons les objets matériels en eux-mêmes, nous renonçons à ce compromis, puisque nous les tenons pour impénétrables et divisibles, c’est-à-dire pour indéfiniment distincts les uns des autres. Il faudra donc y renoncer aussi quand nous nous étudierons nous-mêmes. C’est pour ne l’avoir pas fait que les associationnistes sont tombés dans des erreurs parfois grossières, essayant de reconstituer un état psychique par l’addition entre eux de faits de conscience distincts, et substituant le symbole du moi au moi lui-même.

Ces considérations préliminaires nous ont permis d’aborder l’objet princi­pal de ce travail, l’analyse des idées de durée et de détermination volontaire.

Qu’est-ce que la durée au-dedans de nous ? Une multiplicité qualitative, sans ressemblance avec le nombre ; un développement organique qui n’est pourtant pas une quantité croissante ; une hétérogénéité pure an sein de laquelle il n’y a pas de qualités distinctes. Bref, les moments de la durée interne ne sont pas extérieurs les uns aux autres.

Qu’existe-t-il, de la durée, en dehors de nous ? Le présent seulement, ou, si l’on aime mieux, la simultanéité.