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sort intacte de cette discussion ; et cela se comprend sans peine, puisqu’il faut chercher la liberté dans une certaine nuance ou qualité de l’action même, et non dans un rapport de cet acte avec ce qu’il n’est pas ou avec ce qu’il aurait pu être. Toute l’obscurité vient de ce que les uns et les autres se représentent la délibération sous forme d’oscillation dans l’espace, alors qu’elle consiste en un progrès dynamique où le moi et les motifs eux-mêmes sont dans un continuel devenir, comme de véritables êtres vivants. Le moi, infaillible dans ses constatations immédiates, se sent libre et le déclare ; mais dès qu’il cherche à s’expliquer sa liberté, il ne s’aperçoit plus que par une espèce de réfraction à travers l’espace. De là un symbolisme de réfraction à travers l’espace. De là un symbolisme de nature mécaniste, également impro­pre à prouver la thèse du libre arbitre, à la faire comprendre, et à la réfuter.

Mais le déterministe ne se tiendra pas pour battu, et posant la question sous une nouvelle forme : « Laissons de côté, dira-t-il, les actions accom­plies, considérons seulement des actes à venir. La question est de savoir si, connaissant dès aujourd’hui tous les antécédents futurs, quelque intelligence supérieure pourrait prédire avec une absolue certitude la décision qui en sortira. » — Nous consentons volontiers à ce qu’on pose le problème en ces termes : on nous fournira ainsi l’occasion de formuler notre idée avec plus de rigueur. Mais nous établirons d’abord une distinction entre ceux qui pensent que la connaissance des antécédents permettrait de formuler une conclusion probable, et ceux qui parlent d’une prévision infaillible. Dire qu’un certain ami, dans certaines circonstances, agirait très probablement d’une certaine manière, ce n’est pas tant prédire la conduite future de notre ami que porter un jugement sur son caractère présent, c’est-à-dire, en définitive, sur son passé. Si nos sentiments, nos