Page:Bergson - Essai sur les données immédiates de la conscience.djvu/132

Cette page n’a pas encore été corrigée

passage d’un état psychologique au suivant s’explique toujours par quelque raison simple, le second obéissant en quelque sorte à l’appel du premier. Elle le montre en effet ; et nous admettrons sans peine, quant à nous, l’existence d’une relation entre l’état actuel et tout état nouveau auquel la conscience passe. Mais cette relation, qui explique le passage, en est-elle la cause ?

Qu’on nous permette de rapporter ici une observation personnelle. Il nous est arrivé, en reprenant une conversation interrompue pendant quelques instants, de nous apercevoir que nous pensions en même temps, notre interlocuteur et nous, à quelque nouvel objet. — C’est, dira-t-on, que chacun a poursuivi de son côté le développement naturel de l’idée sur laquelle s’était arrêtée la conversation ; la même série d’associations s’est formée de part et d’autre. — Nous n’hésiterons pas à adopter cette interprétation pour un assez grand nombre de cas ; toutefois une enquête minutieuse nous a conduit ici à un résultat inattendu. Il est bien vrai que les deux interlocuteurs rattachent le nouveau sujet de conversation à l’ancien ; ils indiqueront même les idées intermédiaires ; mais, chose curieuse, ce n’est pas toujours au même point de la conversation antérieure qu’ils rattacheront la nouvelle idée commune, et les deux séries d’associations intermédiaires pourront différer radicalement. Que conclure de là, sinon que cette idée commune dérive d’une cause inconnue — peut-être de quelque influence physique — et que, pour légitimer son appari­tion, elle a suscité une série d’antécédents qui l’expliquent, qui en paraissent être la cause, et qui en sont pourtant l’effet ?

Quand un sujet exécute à l’heure indiquée la suggestion reçue dans l’état d’hypnotisme, l’acte qu’il accomplit est amené, selon lui, par la série antérieure de ses états de conscience. Pourtant ces états sont en réalité des effets, et non des causes : il fallait que l’acte s’accomplît ; il