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port à ce qu’elle était au moment précédent. Plaçons-nous donc pour un instant dans cette dernière hypothèse : nous nous proposons de montrer d’abord qu’elle n’entraîne pas la détermination absolue de nos états de conscience les uns par les autres, et ensuite que cette universalité même du principe de la conservation de l’énergie ne saurait être admise qu’en vertu de quelque hypothèse psychologique.

À supposer, en effet, que la position, la direction et la vitesse de chaque atome de matière cérébrale fussent déterminées à tous les moments de la durée, il ne s’ensuivrait en aucune manière que notre vie psychologique fût soumise à la même fatalité. Car il faudrait d’abord prouver qu’à un état cérébral donné correspond un état psychologique déterminé rigoureusement, et cette démonstration est encore à faire. On ne songe pas à l’exiger, le plus souvent, parce qu’on sait qu’une vibration déterminée du tympan, un ébranlement déterminé du nerf auditif, donnent une note déterminée de la gamme, et que le parallélisme des deux séries physique et psychologique a été constaté dans un nombre de cas assez considérable. Mais aussi personne n’a soutenu que nous fussions libres, dans des conditions données, d’entendre telle note ou d’apercevoir telle couleur qu’il nous plaira. Les sensations de ce genre, comme beaucoup d’autres états psychiques, sont manifestement liées à certaines conditions déterminantes, et c’est précisément pour cela qu’on a pu imaginer ou retrouver au-dessous d’elles un système de mouvements que notre mécanique abstraite gouverne. Bref, partout où l’on réussit à donner une explication mécanique, on remarque un parallélisme à peu près rigoureux entre les deux séries physiologique et psychologique, et il ne faut pas s’en étonner, puisque les explications de ce genre ne se rencontreront, à coup sûr, que là où les deux séries présentent des éléments parallèles. Mais étendre ce paral-