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pour le mesurer, des simultanéités que nous comptons : ces simultanéités sont des instantanéités ; elles ne participent pas à la nature du temps réel ; elles ne durent pas. Ce sont de simples vues de l’esprit, qui jalonne d’arrêts virtuels la durée consciente et le mouvement réel, utilisant à cet effet le point mathématique qui a été transporté de l’espace au temps.

Mais si notre science n’atteint ainsi que de l’espace, il est aisé de voir pourquoi la dimension d’espace qui est venue remplacer le temps s’appelle encore du temps. C’est que notre conscience est là. Elle réinsuffle de la durée vivante au temps desséché en espace. Notre pensée, interprétant le temps mathématique, refait en sens inverse le chemin qu’elle a parcouru pour l’obtenir. De la durée intérieure elle avait passé à un certain mouvement indivisé qui y était encore étroitement lié et qui était devenu le mouvement modèle, générateur ou compteur du Temps ; de ce qu’il y a de mobilité pure dans ce mouvement, et qui est le trait d’union du mouvement avec la durée, elle a passé à la trajectoire du mouvement, qui est pur espace ; divisant la trajectoire en parties égales, elle a passé des points de division de cette trajectoire aux points de division correspondants ou « simultanés » de la trajectoire de tout autre mouvement : la durée de ce dernier mouvement se trouve ainsi mesurée ; on a un nombre déterminé de simultanéités ; ce sera