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des simultanéités. Toute autre mesure implique la possibilité de superposer directement ou indirectement l’unité démesure à l’objet mesuré. Toute autre mesure porte donc sur les intervalles entre les extrémités, lors même qu’on se borne, en fait, à compter ces extrémités. Mais, quand il s’agit du temps, on ne peut que compter des extrémités : on conviendra simplement de dire qu’on a par là mesuré l’intervalle. Si maintenant on remarque que la science opère exclusivement sur des mesures, on s’apercevra qu’en ce qui concerne le temps la science compte des instants, note des simultanéités, mais reste sans prise sur ce qui se passe dans les intervalles. Elle peut accroître indéfiniment le nombre des extrémités, rétrécir indéfiniment les intervalles ; mais toujours l’intervalle lui échappe, ne lui montre que ses extrémités. Si tous les mouvements de l’univers s’accéléraient tout à coup dans la même proportion, y compris celui qui sert de mesure au temps, il y aurait quelque chose de changé pour une conscience qui ne serait pas solidaire des mouvements moléculaires intra-cérébraux ; entre le lever et le coucher du soleil elle ne recevrait pas le même enrichissement ; elle constaterait donc un changement ; même, l’hypothèse d’une accélération simultanée de tous les mouvements de l’univers n’a de sens que si l’on se figure une conscience spectatrice dont la durée toute qualitative comporte le plus ou le moins sans être