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cette opération ; nous avons montré aussi comment les difficultés soulevées par les philosophes autour de la question du mouvement s’évanouissent dès qu’on aperçoit le rapport de l’instant au temps spatialisé, celui du temps spatialisé à la durée pure. Bornons-nous ici à faire remarquer que l’opération a beau paraître savante, elle est naturelle à l’esprit humain ; nous la pratiquons instinctivement. La recette en est déposée dans le langage.

Simultanéité dans l’instant et simultanéité de flux sont donc choses distinctes, mais qui se complètent réciproquement. Sans la simultanéité de flux, nous ne tiendrions pas pour substituables l’un à l’autre ces trois termes, continuité de notre vie intérieure, continuité d’un mouvement volontaire que notre pensée prolonge indéfiniment, continuité d’un mouvement quelconque à travers l’espace. Durée réelle et temps spatialisé ne seraient donc pas équivalents, et par conséquent il n’y aurait pas pour nous de temps en général ; il n’y aurait que la durée de chacun de nous. Mais, d’autre part, ce temps ne peut être compté que grâce à la simultanéité dans l’instant. Il faut cette simultanéité dans l’instant pour 1° noter la simultanéité d’un phénomène et d’un moment d’horloge, 2° pointer, tout le long de notre propre durée, les simultanéités de ces moments avec des moments de notre durée qui sont créés par l’acte de pointage lui-même. De ces deux actes, le premier est l’essentiel pour la mesure