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simultanées et renonçaient à leur continuité de fluidité dans le temps pour se congeler dans l’espace : vous retrouverez indivisée, indivisible, la mélodie ou la portion de mélodie que vous aurez replacée dans la durée pure. Or noire durée intérieure, envisagée du premier au dernier moment de notre vie consciente, est quelque chose comme cette mélodie. Notre attention peut se détourner d’elle et par conséquent de son indivisibilité ; mais, quand nous essayons de la couper, c’est comme si nous passions brusquement une lame à travers une flamme : nous ne divisons que l’espace occupé par elle. Quand nous assistons à un mouvement très rapide, comme celui d’une étoile filante, nous distinguons très nettement la ligne de feu, divisible à volonté, de l’indivisible mobilité qu’elle sous-tend : c’est cette mobilité qui est pure durée. Le Temps impersonnel et universel, s’il existe, a beau se prolonger sans fin du passé à l’avenir : il est tout d’une pièce ; les parties que nous y distinguons sont simplement celles d’un espace qui en dessine la trace et qui en devient à nos yeux l’équivalent ; nous divisons le déroulé, mais non pas le déroulement. Comment passons-nous d’abord du déroulement au déroulé, de la durée pure au temps mesurable ? Il est aisé de reconstituer le mécanisme de cette opération.

Si je promène mon doigt sur une feuille de papier sans la regarder, le mouvement que j’accomplis,