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doit en être ainsi des deux expériences. Mais les deux expériences ont une partie commune. Par ce trait d’union, alors, elles se rejoignent en une expérience unique, se déroulant dans une durée unique qui sera, à volonté, celle de l’une ou de l’autre des deux consciences. Le même raisonnement pouvant se répéter de proche en proche, une même durée va ramasser le long de sa route les événements de la totalité du monde matériel ; et nous pourrons alors éliminer les consciences humaines que nous avions d’abord disposées de loin en loin comme autant de relais pour le mouvement de notre pensée : il n’y aura plus que le temps impersonnel où s’écouleront toutes choses. Eu formulant ainsi la croyance de l’humanité, nous y mettons peut-être plus de précision qu’il ne convient. Chacun de nous se contente en général d’élargir indéfiniment, par un vague effort d’imagination, son entourage matériel immédiat, lequel, étant perçu par lui, participe à la durée de sa conscience. Mais dès que cet effort se précise, dès que nous cherchons à le légitimer, nous nous surprenons dédoublant et multipliant notre conscience, la transportant aux confins extrêmes de notre expérience extérieure, puis au bout du champ d’expérience nouveau qu’elle s’est ainsi offert, et ainsi de suite indéfiniment : ce sont bien des consciences multiples issues de la nôtre, semblables à la nôtre, que nous chargeons de faire la chaîne à