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de notre corps, et de toute la matière environnante, qui lui serait « simultané » : cette matière semble alors participer de notre durée consciente[1]. Graduellement nous étendons cette durée à l’ensemble du monde matériel, parce que nous n’apercevons aucune raison de la limiter au voisinage immédiat de notre corps : l’univers nous paraît former un seul tout ; et si la partie qui est autour de nous dure à notre manière, il doit en être de même, pensons-nous, de celle qui l’entoure elle-même, et ainsi encore indéfiniment. Ainsi naît l’idée d’une Durée de l’univers, c’est-à-dire d’une conscience impersonnelle qui serait le trait d’union entre toutes les consciences individuelles, comme entre ces consciences et le reste de la nature[2]. Une telle conscience saisirait dans une seule perception, instantanée, des événements multiples situés en des points divers de l’espace ; la simultanéité serait précisément la possibilité pour deux ou plusieurs événements d’entrer dans une perception unique et instantanée. Qu’y a-t-il devrai, qu’y a-t-il d’illusoire dans cette manière de se représenter les choses ? Ce qui importe pour le moment, ce n’est pas d’y faire

  1. Pour le développement des vues présentées ici, voir l’Essai sur les données immédiates de la Conscience, Paris, 1889, principalement les chap. II et III ; Matière et Mémoire, Paris, 1896, chap. I et II ; L’Evolution créatrice, passim. Cf. l’Introduction à la métaphysique, 1903 ; et La perception du changement, Oxford, 1911.
  2. Cf. ceux de nos travaux que nous venons de citer.