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si vous écartez jusqu’à la possibilité de percevoir un avant et un après ? Je vous concède le droit de substituer au temps une ligne, par exemple, puisqu’il faut bien le mesurer. Mais une ligne ne devra s’appeler du temps que là où la juxtaposition qu’elle nous offre sera convertible en succession ; ou bien alors ce sera arbitrairement, conventionnellement, que vous laisserez à cette ligne le nom de temps : il faudra nous en avertir, pour ne pas nous exposer à une confusion grave. Que sera-ce, si vous introduisez dans vos raisonnements et vos calculs l’hypothèse que la chose dénommée par vous « temps » ne peut pas, sous peine de contradiction, être perçue par une conscience, réelle ou imaginaire ? Ne sera-ce pas alors, par définition, sur un temps fictif, irréel, que vous opérerez ? Or tel est le cas des temps auxquels nous aurons souvent affaire dans la théorie de la Relativité. Nous en rencontrerons de perçus ou de perceptibles ; ceux-là pourront être tenus pour réels. Mais il en est d’autres auxquels la théorie défend, en quelque sorte, d’être perçus ou de devenir perceptibles : s’ils le devenaient, ils changeraient de grandeur, — de telle sorte que la mesure, exacte si elle porte sur ce qu’on n’aperçoit pas, serait fausse aussitôt qu’on apercevrait. Ceux-ci, comment ne pas les déclarer irréels, au moins en tant que « temporels » ? J’admets que le physicien trouve commode de les appeler encore