Page:Bergson - Durée et simultanéité.djvu/106

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quel savant, — rien même qui ne soit impliqué dans toute philosophie et dans toute science.

Tout le monde nous accordera en effet qu’on ne conçoit pas de temps sans un avant et un après : le temps est succession. Or nous venons de montrer que là où il n’y a pas quelque mémoire, quelque conscience, réelle ou virtuelle, constatée ou imaginée, effectivement présente ou idéalement introduite, il ne peut pas y avoir un avant et un après : il y a l’un ou l’autre, il n’y a pas les deux ; et il faut les deux pour faire du temps. Donc, dans ce qui va suivre, quand nous voudrons savoir si nous avons affaire à un temps réel ou à un temps fictif, nous aurons simplement à nous demander si l’objet qu’on nous présente pourrait ou ne pourrait pas être perçu, devenir conscient. Le cas est privilégié ; il est même unique. S’il s’agit de couleur, par exemple, la conscience intervient sans doute au début de l’étude pour donner au physicien la perception de la chose ; mais le physicien a le droit et le devoir de substituer à la donnée de la conscience quelque chose de mesurable et de nombrable sur quoi il opérera désormais, en lui laissant simplement pour plus de commodité le nom de la perception originelle. Il peut le faire, parce que, cette perception originelle étant éliminée, quelque chose demeure ou tout au moins est censé demeurer. Mais que restera-t-il du temps si vous en éliminez la succession ? et que reste-t-il de la succession