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dans nos exemples de tout à l’heure, une dimension entièrement assimilable aux autres). Au contraire, jamais vous ne tirerez du schéma de Minkowski l’idée d’un flux temporel. Ne vaut-il pas mieux alors s’en tenir jusqu’à nouvel ordre à celui des deux points de vue qui ne sacrifie rien de l’expérience, et par conséquent — pour ne pas préjuger la question — rien des apparences ? Comment d’ailleurs rejeter totalement l’expérience interne si l’on est physicien, si l’on opère sur des perceptions et par là même sur des données de la conscience ? Il est vrai qu’une certaine doctrine accepte le témoignage des sens, c’est-à-dire de la conscience, pour obtenir des termes entre lesquels établir des rapports, puis ne conserve que les rapports et tient les termes pour inexistants. Mais c’est là une métaphysique greffée sur la science, ce n’est pas de la science. Et, à vrai dire, c’est par abstraction que nous distinguons des termes, par abstraction aussi des rapports : un continu fluent d’où nous tirons à la fois termes et rapports et qui est, en plus de tout cela, fluidité, voilà la seule donnée immédiate de l’expérience.

Mais nous devons fermer cette trop longue parenthèse. Nous croyons avoir atteint notre objet, qui était de déterminer les caractères d’un temps où il y a réellement succession. Abolissez ces caractères ; il n’y a plus succession, mais juxtaposition. Vous pouvez dire que vous avez encore affaire à du