l’Univers, que la matiere nous a compoſés de matiere, qu’elle nous impoſe une tâche, &c ? Ce langage eſt moins celui d’un Philoſophe qui raiſonne, que celui d’un malade qui rêve.
On dira ſans doute que l’Auteur s’en ſert pour ſe conformer à l’uſage ordinaire ; mais dans l’uſage ordinaire, où l’on admet un Dieu auteur de la Nature, ces expreſſions ont un ſens très-raiſonnable & très-facile à comprendre ; dans la bouche d’un Matérialiſte, c’eſt un verbiage inintelligible & abſurde : & nous ſommes condamnés à l’eſſuyer juſqu’à la fin de l’ouvrage.
Si nous en croyons ce Philoſophe compatiſſant, c’eſt faute d’avoir connu la Nature que les hommes ſe ſont rendus malheureux : il trace de nos infortunes le tableau le plus touchant ; il nous offre le reméde : croyon fermement qu’il n’y a rien dans la Nature que de la matiere & du mouvement, dès-lors nous deviendrons uſages & heureux. Cette foi juſtifiante eſt la clef de la morale, la ſource de toute vérité & de tout bien[1].
Mais fût-elle cent fois plus ſalutaire, il faudroit ſçavoir encore ſi elle eſt poſſible.
- ↑ Ibid. Eſſai ſur les préjugés, ch. 2, p. 24.