telle sorte que le livre se vendit à plusieurs éditions et fit fortune. Ceux qui n’ont jamais entendu causer Théophile Gautier, peuvent avoir une idée de ce qu’était sa conversation par la préface de Mademoiselle de Maupin. Quand je relis ce morceau d’un éclat et d’une richesse de langue si extraordinaires, avec ses paradoxes taillés comme des pierres précieuses, et jetant mille gerbes d’étincelles par leurs facettes, il me semble encore que j’entends mon maître, et j’ai jusqu’à l’illusion de sa voix.
Quelque temps après la publication de la Maupin, Théophile quitta ses parents et alla s’installer impasse du Doyenné avec ses amis Gérard, Arsène Houssaye et Camille Rogier. Du reste Pierre Gautier venait d’être nommé receveur de l’octroi à Passy, et il fallait bien se séparer. Le logement de Théo (on ne le désignait plus que par ce diminutif familier qui avait remplacé le surnom d’Albertus)[1] était voisin de l’appartement occupé par ses trois amis et qui contenait un salon du plus joli style Pompadour. C’est dans ce salon que le cénacle donna cette fête splendide dont tout Paris s’entretint, et qui n’eut jamais d’autre prétexte que celui de protester contre le bourgeoisisme. Adolphe Leleux, Célestin Nanteuil, Corot, Chassériau, Ca-
- ↑ Voir à la fin du volume deux lettres de Victor Hugo, qui datent de cette époque.