quelle importance il attachait à ce jugement porté sur sa peinture par la spéculation, l’infaillible, l’incorruptible spéculation ! Il semblait qu’il s’en trouvât vengé du dédain public, de sa myopie, de la littérature et de tous ses contempteurs ! Ce pastel, vendu trois cents francs, lui était trois cents fois plus cher que tous ses livres, même les plus célèbres ! Il ne se rassasiait pas d’en parler, quand il en parlait.
La première fois qu’il me mena chez M. Haro, il ne put se tenir de me dire, à peine arrivés : « Monte là-haut voir mon pastel de trois cents francs ! » Et à peine y étais-je, qu’il vint me joindre : « Eh bien, qu’en dis-tu ? » Et comme j’offrais à M. Haro de l’acheter pour le double prix : « Ce garçon-là, fit mon maître en se tournant vers l’expert, est doué d’un goût remarquable pour les choses de l’art : quand je l’aurai formé, il fera un bon critique ! » Et il se prit à rire, de ce doux rire d’enfant qu’il avait aux bons jours, quand la maladie lui accordait une trêve de souffrances.
À la vérité, ce fameux pastel, — qui provient, je crois, de la vente de Mlle Alice Ozy, — n’est pas un si mauvais morceau. Cela n’est point du premier ordre, mais cela n’est point non plus du dernier, et je ne vois guère, parmi les spécialistes, beaucoup de gens capables d’écraser plus vigoureusement cette poussière d’ailes de papillon dont est fait le