« Il est même assez singulier, continua-t-il, que la musique, art de don suprême et d’inspiration, ait reparu par sa technique et que nous en devions la résurrection aux mathématiques. Avais-tu jamais réfléchi à cela ? Les signes dont les Grecs se servaient pour l’écriture musicale n’étaient autres que les lettres mêmes de leur alphabet, et si le moine d’Arezzo fut amené à inventer les notes aujourd’hui encore en usage, c’est sans doute par l’ignorance générale où l’on était de la langue grecque et parce que l’indifférence musicale des Latins avait négligé de douer les caractères romains d’une expression harmonique. Ainsi tout était perdu de la musique depuis les Grecs, et ce phénomène se présenta d’une langue universelle que tout le monde portait en soi, voulait et pouvait parler, écrire et répandre, et qui n’avait plus de signes ni pour l’écriture ni pour la parole, toutes les traditions en étant oubliées et tous les monuments anéantis.
« C’est en cela, n’en déplaise à Jean-Jacques, que Gui d’Arezzo rendit un service inappréciable. La gamme qu’il créa en la prenant des premières syllabes de chaque vers de l’hymne à saint Jean-Baptiste : Ut queant laxis, ne témoigne pas sans doute d’une imagination bien fertile, mais elle a rendu à l’univers muet sinon le chant, du moins la communion du chant, la composition et en résumé la musique même : c’est pourquoi je te disais tout