Cette langue originale, ce parler imagé, ce verbe peint donnaient à les écouter, quand Théophile Gautier était en verve, une jouissance que je n’ai rencontrée dans la conversation d’aucun autre homme. Ce n’était pas cette espèce de sourire intérieur que produit l’étincelle d’un joli esprit, c’était un gaudissement, une lubréfaction de tout votre être artiste, un plaisir touchant presque aux sens, une joie intellectuelle qui avait un rien de matériel, quelque chose de comparable au bonheur physique d’une rétine dans la contemplation du tableau d’un des maîtres de la pâte colorée. Mais que peut être, pour celui qui me lit, une parole dont on n’a pas la mimique, la vie, le spectacle, une parole dont je n’apporte ici qu’une notation même incomplète ? De ces sérieux et joyeux devis, il aurait fallu une sténographie, et il n’y en a pas… Mais si, cependant, le gendre et le disciple du maître, dans l’intimité d’une existence mêlée pendant de longs mois, nuit et jour, a recueilli la parole de l’homme doublement cher. Il a pieusement appliqué son talent et son cœur à retenir, à