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sur les scènes de notre langue. À ce titre il est l’archétype de l’auteur dramatique français au dix-neuvième, et sa vie est le poème de ce qu’on endure dans le négoce. Le buste en fixe la légende.

Léon Dierx, qui demeurait non loin de l’édicule, avait entendu sur son refuge un mot de titi batignolais qu’il se plaisait à conter. Des provinciaux, arrêtés devant le portrait de marbre, se demandaient entre eux quel était le personnage célèbre dont il était l’image. — Henry Becque ? Qui est-ce ? Qu’a-t-il fait ? — Et le nom ne leur disait rien. Le gavroche les tira d’embarras.

— Cherchez pas, fit-il, c’est celui dont on refusait les pièces.

Et on ne caractérise pas mieux l’idée publique d’une statue. C’est le commentaire du : « hein, quoi », mis en œuvre par le statuaire.

À la vérité, l’écrivain ne supportait pas en stoïcien exemplaire l’ostracisme deux fois cruel — car il était pauvre et vivait de sa plume — qui l’écartait ou l’éliminait de l’affiche. Cet Aristide ne tendait pas de bon gré la coquille au paysan. Il se défendait des ongles et du rostre. Comme il était doué de l’esprit de trait, il laissait dans le dos, à ceux qui le lui montraient, la flèche barbelée du sarcasme et les forçait ainsi à se retourner, un peu pâles. Les mots d’Henry Becque formeraient, réunis, un recueil d’anas où grimaceraient des têtes béates et même consacrées. — On m’accuse, disait-il, d’avoir la dent dure. C’est de celle qui me manque sur le devant et qu’ils m’ont cassée à coups de pierres.

Il avait traîné pendant plus de dix ans de porte en porte théâtrale cette La Parisienne, tenue aujour-